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cela, tu me conseilles, à ce que je vois, chère petite, de les adopter ?

— Mais… oui, chère Fanny, répéta la petite Dorrit.

— Allons ! s’écria Fanny d’un ton de résignation. Je vois bien qu’il le faut ! J’étais venue te trouver, ma colombe, pour éclaircir mes doutes, quand j’ai vu la nécessité de prendre une détermination. Me voilà décidée. C’est une affaire faite. »

Après avoir cédé d’une façon si exemplaire aux conseils de sa sœur et à la force des circonstances, Fanny prit un air des plus bénévoles, comme quelqu’un qui viendrait de sacrifier ses propres inclinations pour faire plaisir à sa meilleure amie, et qui s’applaudirait au fond de sa conscience de cette bonne action.

« Après tout, ma chérie, continua-t-elle, tu es la meilleure des petites sœurs et pleine de bon sens ; je ne pourrais pas me passer de toi. »

À ces mots elle pressa sa sœur dans un embrassement plus étroit et vraiment affectueux.

« Aussi je n’y songe pas le moins du monde, Amy ; j’espère, au contraire, que nous serons presque inséparables. Et maintenant, ma chérie, je vais à mon tour te donner un conseil. Quand tu seras seule avec Mme Général…

— Je vais donc rester seule ici avec Mme Général, demanda tranquillement la petite Dorrit.

— Mais naturellement, mon trésor, tu seras seule avec elle jusqu’au retour de papa. À moins que tu ne comptes sur Édouard pour te tenir compagnie… mais comme il ne le fait pas lorsqu’il est ici, j’ai peur qu’il ne le fasse bien moins encore maintenant qu’il est à Naples ou en Sicile. J’allais donc te conseiller, lorsque tu m’as interrompue, comme une petite brouillonne que tu es, quand tu te trouveras seule ici avec Mme Général, Amy, de faire toujours la sourde oreille chaque fois qu’elle emploiera quelque moyen artificieux pour tâcher de te laisser entrevoir qu’elle fait la cour à papa ou que papa lui fait la cour. Tu peux être sûre qu’elle y fera tout son possible. Je la connais, je sais bien comment elle va sournoisement, cherchant son chemin à tâtons avec ses mains gantées. Pour rien au monde n’aie l’air de te douter de ce que cela veut dire ; et si papa, à son retour, t’annonce qu’il songe à te donner Mme Général pour maman (la chose ne devient pas du tout moins probable à cause de mon départ), je te conseille de répondre à l’instant : « Papa, avec votre permission, je m’y oppose formellement. Fanny m’a déjà prévenue qu’elle s’y oppose aussi, comme moi. » Ce n’est pas que j’espère le moindre succès de ton opposition, ni que je te croie capable de la formuler avec la fermeté nécessaire. Mais il s’agit de défendre un principe… un principe filial… et je te supplie de ne pas permettre à Mme Général de se donner des airs de belle-mère avec nous, sans t’empresser de rendre au moins la vie aussi malheureuse que possible aux gens qui t’entourent. Je ne compte pas du tout, à te dire vrai, sur ton éner-