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part, monsieur Dorrit… que M. Merdle sera…(elle passa la revue de ses avantages personnels avant d’ajouter à loisir) ravi. »

À cette phrase, les gentlemen que la Société nomme capitalistes, M. Dorrit avait toussé, comme s’il soulevait quelque objection intérieure. Mme Merdle s’en aperçut, et elle en profita pour lui donner la réplique.

« Et pourtant, monsieur Dorrit, je n’avais pas besoin de faire cette remarque ; mais elle m’est échappée dans la franchise que je mets à dire le fond de ma pensée à une personne pour qui j’ai une si haute estime, et avec laquelle j’espère avoir dans la suite des rapports encore plus agréables : car il est fort probable que vous devez envisager la question du même point de vue que M. Merdle… à moins, toutefois, que le hasard (heureux ou malheureux) qui a poussé M. Merdle à s’occuper d’affaires n’ait un peu rétréci son horizon. Je suis aussi ignorante qu’une enfant en tout ce qui regarde les affaires ; mais je crains, monsieur Dorrit, qu’elle ne produise parfois cet effet. »

Cet habile jeu de bascule, où M. Merdle ne pouvait taper par terre sans faire monter M. Dorrit, et vice versa, eut pour effet de calmer la toux de M. Dorrit. Il remarqua, avec toute la politesse dont il était capable, qu’on ne saurait permettre, même à Mme Merdle, la plus accomplie et la plus gracieuse des femmes (Mme Merdle s’inclina pour reconnaître le compliment), de soutenir que les entreprises colossales de M. Merdle, si différentes des mesquines entreprises du commun des mortels, n’eussent pas pour effet, au contraire, d’agrandir et de développer le génie qui les avait conçues.

« Vous êtes la générosité personnifiée, répliqua Mme Merdle, avec son sourire le plus séduisant ; espérons que vous avez raison. Mais j’avoue que j’ai une foi presque superstitieuse dans mes idées sur les conséquences qu’entraînent les affaires. »

M. Dorrit ne fut pas à court pour trouver un nouveau compliment. Les affaires (aussi bien que le temps, chose si précieuse en affaires) étaient faites seulement pour de pauvres hères, et ne regardaient nullement une souveraine qui régnait en autocrate sur tous les cœurs. La dame se mit à rire, et donna à penser à M. Dorrit que la Poitrine, la fameuse Poitrine, venait de rougir modestement… C’était un des meilleurs tours de passe-passe de Mme Merdle.

« Ce que j’en disais, expliqua-t-elle, est tout simplement fondé sur le vif intérêt que M. Merdle a toujours porté à Edmond, et le vif désir qu’il a toujours témoigné de lui faire une brillante position. Je ne parle pas de la position officielle d’Edmond, je crois que vous la connaissez. Mais sa position privée dépend entièrement de M. Merdle. Grâce à ma sotte incapacité pour les affaires, je vous assure que je n’en sais pas davantage. »

M. Dorrit déclara de nouveau que les affaires étaient indignes d’attirer l’attention de celle dont la seule affaire devait être de char-