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s’écriaient : « A-t-il l’air riche ! » et se demandaient combien d’argent il devait avoir de placé dans la merveilleuse banque. Mais s’ils avaient mieux connu ce respectable représentant de la vengeresse Némésis, au lieu de s’adresser cette question, ils auraient pu fixer tout de suite avec la plus grande précision le chiffre du placement en question.




CHAPITRE XIII.

Les progrès d’une épidémie.


Une épidémie morale est au moins aussi difficile à arrêter qu’une épidémie physique ; une maladie de ce genre s’étend avec la même rapidité que la peste ; la contagion, une fois qu’elle a fait quelques progrès, n’épargne aucune profession, aucun rang ; elle s’empare de gens qui jouissaient de la santé la plus robuste et se développe dans des tempéraments qui semblaient à l’abri de ses atteintes. Ce sont là des faits aussi clairement démontrés par l’expérience qu’il est démontré que l’homme a besoin d’air pour vivre. Le plus grand bienfait que l’on pourrait rendre à l’humanité, ce serait de saisir et de séquestrer (je ne dis pas qu’il faille les étouffer sans autre forme de procès), avant que l’infection puisse se communiquer, les esprits gangrenés dont la faiblesse ou la perversité propage ces terribles fléaux…

De même qu’un vaste incendie gronde et se fait entendre à une grande distance, de même la flamme sacrée sur laquelle les puissants Mollusques venaient de jeter de l’huile, donna encore plus de retentissement aux échos qui redisaient le nom de Merdle. Ce nom sortait de toutes les bouches pour entrer dans tentes les oreilles. Il n’y avait pas, il n’avait jamais eu, il n’y aurait jamais un homme comme M. Merdle. Personne, nous l’avons déjà vu, ne savait ce qu’il avait fait pour mériter ce renom ; mais tout le monde savait que c’était le personnage le plus illustre que la terre eût porté.

Les locataires de la cour du Cœur-Saignant, qui ne possédaient pas un sou qui ne fût dépensé d’avance, s’intéressaient à M. Merdle tout autant que les habitués de la Bourse. Mme Plornish, qui tenait maintenant un petit magasin d’épicerie et autres objets d’utilité générale, dans une bonne petite boutique à l’extrémité la plus fashionable de cour, avec Maggy et le vieux petit bonhomme de père Naudy pour garçons de boutique, ne parlait guère que de M. Merdle à ses pratiques. M. Plornish, qui s’était associé avec un petit entrepreneur du voisinage, affirmait, truelle en main, sur les