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tache, tandis que sa moustache se relevait sous son nez avec un sourire sinistre et de mauvais augure.

« Au nom du ciel ! Affery, demanda Clennam à voix basse, tandis qu’elle lui ouvrait la porte de l’obscur vestibule où il s’avançait à tâtons vers la faible clarté des étoiles, que se passe-t-il donc ici ? »

Mme Jérémie, debout dans l’obscurité, la tête cachée dans son tablier, comme un grand fantôme, lui répondit d’une voix étouffée par son voile improvisé :

« Ne me faites pas de questions, Arthur. Voilà je ne sais combien de temps que je ne fais que rêver. Allez-vous-en ! »

Il sortit, et elle referma la porte sur lui. Il leva les yeux vers la chambre de sa mère, et la faible clarté, rendue plus faible encore par les stores jaunes semblait répéter la réponse de Mme Jérémie et murmurer :

« Ne me faites pas de questions. Allez-vous-en ! »




CHAPITRE XI.

Une lettre de la Petite Dorrit.


« Mon cher monsieur Clennam,

« Comme je vous ai dit dans ma première lettre qu’il valait mieux que personne ne m’écrivît, je puis vous en adresser une seconde, sans vous causer d’autres ennuis que celui de la lire ; si vous en avez le loisir, ce dont je doute, avec vos occupations, mais j’espère qu’un jour ou l’autre vous trouverez un moment pour cela. Je vais donc passer encore une heure à causer avec vous. Cette fois, c’est de Rome que je vous écris.

« Nous avons quitté Venise avant M. et Mme Gowan, mais ils ne sont pas restés en route aussi longtemps que nous et n’ont pas suivi le même chemin ; de sorte qu’en arrivant, nous les avons trouvés installés dans une rue qu’on nomme la Via Gregorina, que vous connaissez sans doute.

« Je vais vous dire tout ce que je sais sur leur compte, parce que je suis bien sûre que c’est ce que vous tenez le plus à savoir. Leur logement n’est pas très-confortable, mais peut-être m’a-t-il semblé plus incommode qu’il n’aurait paru à quelqu’un comme vous, qui avez visité tant de pays et vu tant de mœurs différentes. Il va sans dire qu’il vaut beaucoup mieux… des millions de fois mieux que tous ceux auxquels j’ai été habituée avant de quitter Londres ; et je ne veux pas le juger avec mes propres yeux, mais