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« Qu’y a-il ? que vous a-t-on fait ? s’écria miss Mills en venant au secours de son amie. »

Je répondis : « C’est moi, miss Mills, c’est moi qui suis le coupable ! Oui, vous voyez le criminel ! » et un tas de choses dans le même genre ; puis, détournant ma tête, pour la dérober à la lumière, je la cachai contre le coussin du canapé.

Miss Mills crut d’abord que c’était une querelle, et que nous étions égarés dans le désert du Sahara, mais elle ne fut pas longtemps dans cette incertitude, car ma chère petite Dora s’écria en l’embrassant que j’étais un pauvre manœuvre ; puis elle se mit à pleurer pour mon compte en me demandant si je voulais lui permettre de me donner tout son argent à garder, et finit par se jeter dans les bras de miss Mills en sanglotant comme si son pauvre petit cœur allait se briser.

Heureusement miss Mills semblait née pour être notre bénédiction. Elle s’assura par quelques mots de la situation, consola Dora, lui persuada peu à peu que je n’étais pas un manœuvre. D’après ma manière de raconter les choses, je crois que Dora avait supposé que j’étais devenu terrassier, et que je passais et repassais toute la journée sur une planche avec une brouette. Miss Mills, mieux informée, finit par rétablir la paix entre nous. Quand tout fut rentré dans l’ordre, Dora monta pour baigner ses yeux dans de l’eau de rose, et miss Mills demanda le thé. Dans l’intervalle, je déclarai à cette demoiselle qu’elle serait toujours mon amie, et que mon cœur cesserait de battre avant d’oublier sa sympathie.

Je lui développai alors le plan que j’avais essayé avec si peu de succès de faire comprendre à Dora. Miss Mills me répliqua d’après des principes généraux que la chaumière du contentement valait mieux que le palais de la froide splendeur, et que l’amour suffisait à tout.

Je dis à miss Mills que c’était bien vrai, et que personne ne pouvait le savoir mieux que moi, qui aimais Dora comme jamais mortel n’avait aimé avant moi. Mais sur la mélancolique observation de miss Mills qu’il serait heureux pour certains cœurs qu’ils n’eussent pas aimé autant que moi, je lui demandai par amendement la permission de restreindre ma remarque au sexe masculin seulement.

Je posai ensuite à miss Mills la question de savoir s’il n’y avait pas en effet quelque avantage pratique dans la proposition que j’avais voulu faire touchant les comptes, la tenue du ménage et les livres de cuisine ?