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bras, vissa le coin de sa bouche et cria, sur une gamme ascendante : « Ho ! miséricorde ! » trois fois bien distinctes.

« Vous entendez ce que dit votre maîtresse, ma belle enfant, reprit le serrurier. Je crois que vous ferez bien de vous en aller. Tenez ! prenez ça en mémoire de votre ancien service dans la maison. »

Mlle Miggs empoigna le billet de banque qu’il avait pris dans son portefeuille pour le lui donner ; elle le mit en dépôt dans sa petite bourse de cuir rouge, qu’elle enfonça dans sa poche (mettant à découvert, par la même occasion, une portion considérable de quelque vêtement de dessous, en flanelle, et montrant plus de bas de coton noir qu’on n’a l’habitude d’en laisser voir en public), puis elle remua la tête en regardant Mme Varden et en répétant :

« Ho ! miséricorde !

— Voici, ma chère, la seconde fois, si je ne me trompe, que vous nous avez dit ça, fit observer le serrurier.

— Les temps sont changés, à ce qu’il paraît, ma’ame, s’écria Miggs en redressant la tête. Il paraît que vous pouvez vous passer de moi, maintenant. Vous n’avez plus besoin de moi pour les tenir en bride. Il ne vous faut plus personne à gronder, ou à vous servir de souffre-douleur, ma’ame, à ce que je vois. Je suis charmée de vous voir devenue si indépendante. Je vous en fais mon compliment, bien sûr. »

Là-dessus elle fit une belle révérence, et tenant sa tête bien droite, l’oreille tournée du côté de Mme Varden, et l’œil sur le reste de la compagnie, à mesure qu’elle adressait à l’un ou à l’autre quelque allusion spéciale dans ses réflexions, elle continua ainsi :

« Oui, bien sûr, je suis enchantée de vous voir tant d’indépendance pour le quart d’heure, quoique je ne puisse pas m’empêcher en même temps de vous plaindre, ma’ame, d’avoir été réduite à tant de soumission, faute d’avoir là quelqu’un pour vous soutenir…. hé ! hél hé ! vous devez joliment souffrir (surtout quand on pense à tout le mal que vous disiez toujours de M. Joe), de finir par l’avoir pour gendre. Et je m’étonne que Mlle Dolly aussi puisse se remettre avec lui, après toutes ses allées et venues avec le carrossier. Il est vrai que j’ai entendu dire que le carrossier a réfléchi à la chose…. hé ! hé ! hé ! … et qu’il a confié à un jeune homme