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lesquels la pauvre Anna ne fut guère épargnée.

Le peuple des campagnes est féroce sur les questions d’intérêt, et, comme son cousin le paysan français, tout à fait intraitable lorsqu’il s’agit d’héritage.

Aussi les murmures furent-ils nombreux et malveillants quand la rumeur publique annonça que Pierre, — comme l’avait fait Marianne, — ne laissait qu’une aumône aux enfants de son frère unique et instituait sa fille adoptive, Anna, légataire universelle.

De ce jour, la pauvre jeune fille, — l’étrangère, comme on l’appela, — fut jugée et mise au ban de l’opinion, tandis que le fratricide recueillait toutes les sympathies.

Ainsi va le monde !

Mais ce qui parut singulier à bien des gens, c’est qu’Antoine Bouet reçut cette tuile sans broncher et prit la chose en vrai philosophe.

Pour le coup, la sympathie se changea en admiration, et il n’y eut qu’une voix, dans toute l’île d’Orléans, pour prôner le désintéressement de ce modèle des pères.

La vérité, pourtant, c’est qu’Antoine rageait dans son for intérieur. La colère rugissait en dedans de lui-même, sans qu’il