Page:Dick - L'enfant mystérieux, Tome I, 1890.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

embrasser cordialement son épouse sur les deux joues.

— Ah ! mon homme ! ne put que dire la bonne Marianne, dont les yeux étaient humides.

— Oui, oui… les années passent vite, grommela Bouet, pour donner le change à sa propre émotion ; nous nous en allons, Marianne, nous nous en allons…

— Hélas ! oui : cinquante ans ! il passe midi, murmura la vieille.

— Sans compter que j’en ai cinquante-cinq, moi !… Encore, si nous ne partions pas tout entiers… si nous laissions quelqu’un après nous ! continua le mari, poursuivant une pensée qui l’obsédait depuis longtemps.

— Que veux-tu ?… Dieu ne l’a pas voulu, répliqua tristement l’épouse.

— J’aurais donné dix ans de ma vie pour un enfant ! s’écria Pierre Bouet, en se rasseyant et bourrant sa pipe.

— Et moi donc ! exclama Marianne.

Nouveau silence. Les deux vieux évoquaient dans leur esprit les vives espérances, les alertes joyeuses et les déceptions réitérées que ce tenace désir de paternité leur avait values. Les cinquante ans de