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Le Poirier de Misère

Misère se signa & tomba à genoux :

« Grand saint Wanon, dit-elle, je ne m’étonne plus que Faro vous ait léché les pieds, mais ce n’eſt point par intérêt que je fais la charité. D’ailleurs, je n’ai besoin de rien.

— Tu es trop dénuée de toutes choses, dit saint Wanon, pour n’avoir point de désirs. Parle, que veux-tu ? »

Misère se taisait :

« Veux-tu une belle cense avec du blé plein le grenier, du bois plein le bûcher & du pain plein la huche ? Veux-tu des trésors, veux-tu des honneurs ? Veux-tu être duchesse, veux-tu être reine de France ? »

Misère secoua la tête.

« Un saint qui se respecte ne doit pas être en reſte avec une pauvresse, reprit saint Wanon d’un air piqué. Parle, ou je croirai que tu me refuses par orgueil.

— Puisque vous l’exigez, grand saint Wanon, répondit Misère, j’obéirai. J’ai là, dans mon jardin, un poirier qui me donne de fort belles poires ; par malheur, les jeunes gars du village viennent me les voler, & je suis forcée de laisser le pauvre Faro à la maison pour monter la garde. Faites que quiconque grimpera sur mon poirier n’en puisse descendre sans ma permission.

— Amen ! » dit saint Wanon en souriant de sa