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Le Poirier de Misère

dans le pays, & Misère & Faro en souffrirent plus que les autres.

Un soir que le vent hurbêlait & que la neige tourbillonnait, les malheureux se réchauffaient l’un contre l’autre près de l’âtre éteint, quand on frappa à la porte.

Chaque fois que quelqu’un s’approchait de la chaumine, Faro aboyait avec colère, croyant que c’étaient les petits maraudeurs. Ce soir-là, au contraire, il se mit à japper doucement & à remuer la queue en signe de joie.

« Pour l’amour de Dieu ! fit une voix plaintive, ouvrez à un pauvre homme qui meurt de froid & de faim.

— Haussez le loquet ! cria Misère. Il ne sera point dit que, par un temps pareil, j’aurai laissé dehors une créature du bon Dieu. »

L’étranger entra : il paraissait encore plus vieux & plus misérable que Misère, & n’avait pour se couvrir qu’un sarrau bleu en haillons.

« Asseyez-vous, mon brave homme, dit Misère. Vous êtes bien mal tombé, mais j’ai encore de quoi vous réchauffer. »

Elle mit au feu sa dernière bûche & donna au vieillard trois morceaux de pain & une poire, qui lui reſtaient. Bientôt le feu flamba, & le vieillard mangea de grand appétit : or, pendant qu’il mangeait, Faro lui léchait les pieds.