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Cambrinus, Roi de la Bière

bondissaient. Leurs têtes s’entrechoquaient, &t la foule commençait de gémir piteusement.

« À boire ! à boire ! » crièrent-ils enfin.

Le carillonneur cessa de carillonner, & les hommes, les femmes, les enfants, les animaux & les maisons cessèrent de danser. Danseurs & danseuses se précipitèrent sur les pots qui, chose étonnante, avaient sauté avec les tables sans répandre une seule goutte de bière.

Ainsi mis en goût, les Fresnois ne trouvèrent plus la nouvelle liqueur déteſtable, au contraire.

Après qu’ils en eurent vidé chacun trois ou quatre pintes, ils demandèrent eux-mêmes à Cambrinus de faire aller sa musique, & ils dansèrent ainsi toute la soirée & une partie de la nuit.

Le lendemain & les jours suivants, le bruit s’en répandit, & on vint de toutes parts à Fresnes pour boire de la bière & danser au carillon.

Une foule de carillons ; d’horloges à musique, de brasseries, de tavernes, de cabarets & d’eſtaminets s’établirent bientôt à Fresnes, à Condé, à Valenciennes, à Lille, à Dunkerque, à Mons, à Tournay, à Bruges, à Louvain & à Bruxelles.

Comme une marraine qui jette des dragées, le carillon secoua dans l’air son tablier d’argent plein de notes magiques, & le vin d’orge coula à flots d’or dans les Pays-Bas, en Hollande, en Allemagne, en Angleterre & en Écosse.