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Contes d’un buveur de bière

— Hélas ! mon parrain, vous avez devant vos yeux deux bien malheureuses créatures ! »

Et la pauvre fille fondit en larmes.

Le farouche gardien apparut aussitôt, mais d’un coup d’œil Cambrinus le força de se cacher & se fit conter toute l’hiſtoire. Connaissant, pour les avoir éprouvés, les tourments de l’amour, il alla sur-le-champ trouver son ami.

« Eſt-ce que tu perds la boule, lui dit-il, de donner ainsi ta fille en spectacle ? Puisque ces enfants s’aiment tout de bon, que ne les maries-tu, plutôt que de les faire mourir à petit feu ? »

« Tu vas déranger toutes nos habitudes, finit par dire le bourgmeſtre. Ils sonnent si bien la cloche ! C’eſt seulement depuis qu’ils sont là que je peux avoir la paix & tout le monde couché à dix heures.

— Si c’eſt là que le bât te blesse, répondit Cambrinus, rappelle-toi que le roi de la bière eſt aussi l’inventeur du carillon. Je me fais fort de te fabriquer deux sonneurs mécaniques qui ressembleront comme deux gouttes d’encre à ces pauvres martyrs. Que le couvre-feu soit sonné par Jacques ou Martin, que t’importe, pourvu que tes jaquemarts le sonnent exactement !