Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

8
Contes d’un buveur de bière

— Comment ! Jocko eſt mort ! Et vous emportez son âme ! Oh ! mais ne perdez point de temps, myn heer. Qu’attendez-vous encore ?

— J’attends la tienne.

— La mienne, myn God !

— Tous les pendus sont gibier d’enfer.

— Et si je ne me pends pas ?

— Ce sera l’enfer en ce monde.

— Ce qui ne vaut guère mieux. Mais ce n’eſt mie juſte, cela, godverdom ! Voyons, monsieur le diable, soyez bon diable & tirez-moi de là !

— Mais comment ?

— Faites que Flandrine veuille bien m’épouser.

— Impossible, fieu ! Ce que femme veut…

— Dieu le veut, je le sais ; mais ce qu’elle ne veut point ?…

— Ce qu’elle ne veut point, le diable lui-même y perdrait ses cornes.

— Alors, faites que je ne l’aime plus.

— J’y consens… à une condition. C’eſt que tu me donneras ton âme en échange.

— Tout de suite ?

— Non. Dans trente ans d’ici.

— Ma foi ! topez là. Je suis trop malheureux… mais vous m’aiderez, par-dessus le marché, à me venger des gens de Fresnes.

— Songeons d’abord à te guérir, & retiens ceci. Un clou chasse l’autre. Il n’eſt si forte passion qui,