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Le Petit Soldat

« Par saint Jean, mon patron, s’écria-t-il, je suis bien sot de me faire de la bile. J’y entrerai quand bon me semblera dans leur cassine. »

Et le soir il alla se promener devant le palais, vêtu de son manteau rouge. Il n’y avait qu’une seule fenêtre d’éclairée au premier étage. Une ombre se dessinait sur les rideaux. Jean, qui avait des yeux d’émouchet, reconnut l’ombre de la princesse.

« Je souhaite, dit-il, d’être transporté dans la chambre de la princesse Ludovine. » Et il y fut.

La fille du roi était assise devant une table, en train de compter des florins qu’elle tirait de la bourse inépuisable.

« Huit cent cinquante, neuf cents, neuf cent cinquante…

— Mille ! fit Jean. Bonsoir la compagnie. »

La princesse se retourna & poussa un petit cri.

« Vous ici ! qu’y venez-vous faire ? Que voulez-vous ? Sortez ! sortez, vous dis-je, ou j’appelle…

— Je viens, répondit le Rôtelot, réclamer votre promesse. C’eſt après-demain jour de Pâques, & il eſt temps de songer à notre mariage. »

Ludovine partit d’un grand éclat de rire.

« Notre mariage ! Avez-vous bien été assez sot pour croire que la fille du roi des Pays-Bas épouserait le fils d’un batelier ?

— En ce cas, rendez la bourse, fit Jean.