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ment plus puissans sur la presque totalité des hommes, peuvent être, ou favorisés, ou annullés, ou même rendus énergiquement contraires par toutes les institutions sociales, suivant qu’elles sont bonnes, imparfaites, ou mauvaises. On voit donc que l’enseignement direct, même le meilleur, ne peut produire d’autre effet que de faire entrer dans un petit nombre de têtes les vérités abstraites de la saine morale, et que par conséquent, bien loin d’en être l’unique ou le principal appui, son utilité se borne à accélérer le succès des recherches dans ce genre, et à perfectionner la théorie de cette science, mais ne saurait aller jusqu’à en répondre et en propager la pratique. L’enseignement donné aux hommes faits formera dans un pays quelques moralistes spéculatifs plus éclairés ; mais ce ne sera jamais lui qui rendra immédiatement le gros de la nation plus vertueux.

Les législateurs et les gouvernans, voilà les vrais précepteurs de la masse du genre humain, les seuls dont les leçons aient de l’efficacité. L’instruction morale sur-tout, on ne saurait trop le répéter, est toute entière dans les actes de législation et d’administration. Nous avons déjà vu combien est grand leur pouvoir pour augmenter ou diminuer le nombre des occasions que les hommes ont de se nuire, et pour punir et réprimer les actions répréhensibles ; montrons par quelques exemples qu’il n’est pas moindre pour étouffer les germes des inclinations vicieuses[1].

  1. On ne doit pas être surpris de trouver rappellées ici des institutions déjà mentionnées dans les chapitres précé-