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Nos imberbes docteurs laïques vont-ils décréter d’hérésie les grands hommes que je viens de nommer ?


XX


Je ne veux certes pas affirmer, Messieurs, que la raison individuelle soit infaillible ! Je ne veux pas non plus nier qu’elle n’ait besoin d’être guidée à un certain âge et sur certaines questions ! Je suis même prêt à admettre qu’à tout âge, et à tous les degrés d’instruction, un homme raisonnable et sensé doit être sur ses gardes et veiller toujours à ce que sa raison ne fasse pas fausse route ; qu’en fait d’étude, en un mot, la défiance de soi-même est toujours une idée salutaire : je veux encore moins nier que quelques hommes n’aient fait un très mauvais usage de leur raison ; mais aussi je désire vous rappeler :

Que cette négation énergique, systématique, des droits de la raison humaine n’est pas, après tout, sans quelque danger ; car enfin toutes les vérités qui forment aujourd’hui le fonds des connaissances et des croyances humaines ne reposent en dernière analyse que sur l’assentiment intérieur qui ne peut s’exercer qu’au moyen de la raison. La conscience et la raison humaines sont solidaires, inséparables ! Qui nie l’une nie l’autre ; et je ne comprends pas comment on peut croire affirmer la conscience en niant la raison.

Et si je me suis permis, Messieurs, de vous peindre à grands traits, et d’une manière bien incomplète, les résultats généraux réalisés dans le monde par la raison humaine, j’ai voulu seulement faire comprendre à nos agresseurs :

Que tous ces magnifiques résultats n’eussent pas été obtenus, si tous les génies des générations passées eussent été sous leur tutelle ; car après tout, ils doivent admettre que quelques-unes des grandes découvertes scientifiques modernes se sont un peu faites malgré eux :

Que ce n’est pas en niant notre raison qu’ils peuvent nous donner une bien haute idée de la leur :

Que ce n’est pas en nous contestant le droit de juger qu’ils peuvent nous faire admettre leur droit de nous juger :

Que ce n’est pas en nous conseillant l’abdication de notre propre raison qu’ils peuvent nous persuader de la supériorité de la leur sur la nôtre :

Que ce n’est pas en exprimant un mépris affecté, en nous jetant à pleines colonnes ce qu’ils croient être « l’humiliation » qu’ils peuvent nous convaincre de leur propre sagesse :

Que ce n’est pas en nous calomniant qu’ils peuvent nous faire croire à leur sincérité d’intention :

Que ce n’est pas enfin en faisant de la persécution morale acharnée contre nous, — et en vérité, nous sommes presque fondés à croire que s’ils pouvaient exercer la persécution légale, ils se donneraient cette jouissance avec délices — qu’ils peuvent nous convaincre de leur esprit de conciliation et de charité.


XXI


De même que nous avons incontestablement des devoirs à remplir envers la société au milieu de laquelle nous vivons, de même nous avons un droit indéniable, imprescriptible à ce que l’on observe à notre égard les règles toujours sacrées de la justice.

L’a-t-on fait à l’égard de l’Institut ? Je crois pouvoir répondre en toute sincérité que non ; et cela me ramène au point principal de mon sujet, la tentative de dissolution de l’Institut qui a été faite en 1858.

J’ai dit que l’on avait pris pour prétexte la composition de la bibliothèque.

Messieurs, je ne veux pas faire ici de discussion oiseuse, encore moins acerbe ; et surtout je ne veux attaquer personne. Sûrement il me sera bien permis de dire que depuis quatre ans, ce n’est pas de nous que les agressions sont venues !

Je pense aussi que vous admettrez avec moi qu’attaqué comme il l’est souvent dans la presse, comme il l’est souvent même dans l’intimité de la famille, il est à propos que l’Institut définisse sa position devant le public et repousse les accusations certainement imméritées, dont il est l’objet.

À force de répéter certaines choses inexactes, on a fini par faire croire à beaucoup de personnes qu’il devait y avoir quelque chose de fondé dans des reproches faits avec tant d’apparente conviction. Je réponds donc ici à des attaques au lieu d’en faire !