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IROQUOISIE

Et, pour le régler, il appelle en consultation, comme il l’a fait si souvent déjà, Pont-Gravé, le vieux loup de mer, l’ami fidèle comme un père, le vieux compagnon des aventures coloniales. Tous deux examinent de nouveau les arguments qui militent pour ou contre une nouvelle expédition militaire. Et ils aboutissent à la conclusion que cette fois les Français ne peuvent plus se dérober. Champlain n’a jamais été homme à se décider à la légère, et il consigne ces nouvelles délibérations dans ses œuvres.

La première raison qu’il donne, celle qui est la plus importante, et qui subsiste en son entier depuis 1603, depuis même plus longtemps encore, est qu’il faut rendre la navigation libre sur l’Outaouais, le Saint-Laurent, libérer la grande route des fourrures. L’accomplissement de ce devoir devient plus urgent encore : les Hurons viennent et viendront à la traite, ils demeurent très loin, et ils peuvent être attaqués à tout endroit du long parcours qu’ils suivent. Ils lui ont remontré « que malaisément ils pourraient venir à nous si nous ne les assistions : parce que les Iroquois leurs anciens ennemis, étaient toujours sur le chemin qui leur fermaient le passage »[1]. Le blocus partiel de l’Outaouais se fait donc dans le moment présent. Les combats de 1609 et de 1610 n’y ont pas mis fin. Encore ici il faut refouler les Iroquois chez eux, sinon le commerce huron des pelleteries ne pourra se développer ; il en sera de même du commerce algonquin des nombreuses tribus qui habitent l’Outaouais : Petite Nation, Iroquets, Indiens de l’Île des Allumettes, Nipissings, qui sont nombreux et dont les fourrures sont belles.

En second lieu, les deux hommes se souviennent de l’ouvrage des découvertes que le Roi leur a confié. C’est un point que les étrangers ont toujours mal compris. Les Anglais, par exemple, se sont établis sur les rivages de la mer sans jamais entretenir le souci d’explorer l’hinterland. Au contraire, une soif de connaître le continent nouveau, d’ajouter à la science géographique de l’époque, anime le Roi de France, Champlain et le groupe qui l’entoure. Champlain

  1. Œuvres de Champlain v. 3 p. 31.