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IROQUOISIE

Lescarbot aborde le problème sous un autre aspect. Il parle des « Algonquins, qui nous reçurent chez eux afin que nous les aidassions dans leurs guerres contre un autre peuple aussi de Sauvages appelé les Iroquois, dont ils étaient ennemis depuis longtemps »[1]. C’est à ce prix également que Champlain obtiendrait l’assistance des Algonquins pour faire ses découvertes : « …N’y a autre moyen de pénétrer dans ces terres que par armes, et promesses à ceux desquels vous voulez vous servir, de venger leurs querelles »[2]. Voilà donc les deux motifs exprimés par Lescarbot. L’assistance militaire est promise de nouveau aux Algonquins contre les Iroquois, selon le pacte de 1603, pour obtenir en retour le droit de fonder des colonies dans le pays, et l’aide des Algonquins dans les voyages de découverte. Car Champlain, s’il est un fondateur, est aussi un explorateur invétéré, surtout durant la première période de son séjour au Canada ; il ne consentirait jamais à vivre sur la côte, comme l’ont fait tant d’Européens, sans connaître tout l’arrière-pays. Ce n’est pas caprice chez lui : c’est pour la France qu’il entreprendra la fatigue de ces prises de possession.

Est-ce aussi pour rendre la navigation libre sur le Saint-Laurent, et faciliter ainsi le commerce des fourrures ? Ni Lescarbot, ni Champlain n’en parlent, bien que cette raison économique, commerciale, soit encore plus forte que les deux autres.

Le conflit ne s’est pas apaisé. Les Algonquins, des Trois-Rivières jusqu’à Tadoussac, sont assemblés à Québec, vers la mi-septembre, pour la célèbre pêche aux anguilles. Mais ils ne peuvent la pratiquer en paix. Un soir, en 1608, une panique éclate soudain : les Iroquois, croit-on, sont sur le point d’attaquer. Les Français laissent entrer dans le fort femmes et enfants. Cinq à six d’entre eux se mêlent aux Indiens qui, faute d’espace, doivent demeurer au pied des pâlis ; ils forment un groupe qui explore inutilement la forêt : les Iroquois ne sont pas là. « Ils sont fort craintifs, dit Champlain, et appréhendent infiniment leurs ennemis, et ne dorment presque point en repos en quelque lieu qu’ils soient ». Et cette nervosité pro-

  1. Marc Lescarbot, Histoire de la Nouvelle-France, Édition Tross p. 174.
  2. Idem, p. 602.