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IROQUOISIE

où se trouve cette nation « est capable de tirer des yeux de tous ceux qui l’aiment, des larmes de tristesse… C’est une chose pitoyable de voir périr devant nos yeux ces pauvres peuples à mesure qu’ils embrassent la foi… La maladie, la guerre et la famine sont les trois fléaux dont il a plu à Dieu defrapper nos néophytes… Une maladie contagieuse s’épandit dans toutes ces nations, et en moissonna la plus saine partie. Cette maladie n’eut pas plutôt cessé, que la guerre, qui jusques alors (1640) leur avait été si avantageuse qu’ils s’étaient rendus maîtres du pays de leurs ennemis et les avaient battus partout, commença, et a continué depuis à leur être si funeste qu’ils y ont perdu tous leurs meilleurs guerriers, ont été chassés de leur propre pays, et ne font plus maintenant autre chose que fuir la cruauté des Iroquois, qui ne laissent pas néanmoins de les attraper bien souvent et en faire d’horribles massacres »[1]. Affaiblis, décimés, les Algonquins sont encore « contraints de quitter les bois les plus commodes à la chasse, qui sont au midi du grand fleuve, et sujets aux courses de leurs ennemis ». Alors, les famines, deviennent plus pressantes qu’autrefois.

Mais c’est le paragraphe suivant qui peint le mieux le contraste entre les puissants Algonquins que Champlain a observés en 1603 et leurs rares descendants d’aujourd’hui : « … Tous ces accidents ont tellement éclairci nos sauvages, que là où l’on voyait il y a huit ans, quatre-vingts et cent cabanes, à peine en voit-on maintenant cinq ou six ; et tel capitaine qui commandait pour lors à huit cents guerriers, n’en compte plus à présent que trente ou quarante, et au lieu des flottes de trois ou quatre cents canots, nous n’en voyons plus que de vingt ou trente ; … ces restes de nations consistent quasi toutes en des femmes, veuves ou filles… »[2]. Ces chiffres écrits à peine deux ans après le début des guerres iroquoises montrent jusqu’à quel point les épidémies avaient décimé ces tribus : en additionnant toutes les pertes par la guerre durant cette période,

  1. Idem, 1644-2.
  2. Idem, 1644-3.