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IROQUOISIE

traite chez leurs ennemis à condition d’être laissés en paix ?

Mais le danger demeure grand. Les huit chrétiens de l’expédition se préparent soigneusement à la mort. Puis le départ a lieu. À une lieue des Trois-Rivières, par beau temps, le canot qui porte le père Bressani fait naufrage. Les passagers en sont quittes pour un bain froid ; aucun colis ne se perd ; et le groupe fait halte avant d’atteindre le lac Saint-Pierre afin de passer la nuit sur la rive. L’événement est de mauvais augure cependant. Le lendemain, 28 mars, il fait froid, il neige, et des pans de glace s’écoulent vers la mer. Les voyageurs dégradent. Déjà les outardes remontent vers les steppes arctiques. La proie est alléchante. Aussitôt les arquebuses entrent en jeu, et les détonations attirent l’attention d’une trentaine de guerriers agniers qui rôdent déjà dans la région.

Le 29 avril, la flottille se remet en route. Et, soudain, après avoir doublé une pointe entre Machiche et la rivière du Loup, elle subit l’attaque imprévue de trois grands canots iroquois. Le père Bressani ordonne à ses gens de ne pas combattre : la partie est peu « égale ni en hommes ni en armes »[1]. Il est immédiatement fait prisonnier avec les occupants du premier canot. Les deux autres embarcations fuient à force de rames ; bientôt les Hurons peuvent se croire hors du danger. Mais en doublant une autre pointe, ils sont de nouveau attaqués par « deux autres canots iroquois bien armés… ». Un Huron épaule son arquebuse, mais il est tué avant d’avoir tiré ; ses compagnons se laissent alors capturer sans résistance.

Les Agniers descendent sur la rive. Ils se divisent le butin des Jésuites de Huronie « qui n’ont rien reçu depuis trois ans » ; ils déchirent les lettres qui leur étaient destinées. Le cadavre du Huron tué leur fournit un festin. Puis après, ils se dirigent vers leur pays, avec leurs prisonniers et les marchandises françaises. À mi-chemin, l’un des captifs s’échappe et revient aux Trois-Rivières. Le mission-

  1. Idem, 1644-41.