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IROQUOISIE

à la réserve de fort peu qui se sauvèrent tout nus à Montréal ».

Les Agniers élaborent un plan. Dix d’entre eux gardent les prisonniers hurons ; dix autres vont attaquer cinq Français qui érigent la charpente d’une maison à deux cents pas du fort ; et les vingt autres arrivent devant le fort lui-même pour simuler une attaque. Ces derniers tirent plus de cent coups d’arquebuse. Mais pendant cette vaine fusillade, le second groupe attaque les ouvriers qui travaillaient en dehors de l’enceinte. Ils les surprennent, ils en capturent deux, ils assomment et ils scalpent les trois autres : Guillaume Boissier, Bernard Bœte et Pierre Laforest.

Après cette journée qui leur a valu tant de victimes, les Agniers se retirent dans leurs retranchements. Ils éprouvent si peu de crainte, qu’ils passent la nuit en réjouissances et en conseils. Au matin, pour ne pas s’encombrer pendant le voyage du retour, ils assomment froidement treize prisonniers. Ils emplissent les canots avec les ballots de pelleteries huronnes ; il y en a trop, plusieurs demeurent sur place. Puis ils s’embarquent eux-mêmes avec leurs prisonniers. Ils traversent le fleuve en face du fort. Les Français les regardent aller. Ils ne savent que faire ; ils sont pris au dépourvu par cette guerre en forêt dans des conditions qu’ils connaissent mal. Effectuer une sortie ? Mais d’autres Agniers peuvent se dissimuler dans la forêt et les prendre à revers ; « … En ces rencontres et attaques, il ne faut pas parler de sortir sur l’ennemi : car comme on ne sait pas leur venue ni leur nombre, et qu’ils sont cachés dans les bois, où ils sont duits à la course bien autrement que nos Français, les sorties ne serviraient qu’à souffrir de nouveaux massacres, car d’ordinaire une petite partie attaque, et l’autre demeure en embuscade dans le gros du bois »[1]. Et cet incident révèle immédiatement pourquoi les Algonquins n’ont aucune confiance dans la protection que les Français peuvent leur offrir.

  1. Idem, 1643-63