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IROQUOISIE

sans nourriture, sans vêtement, en neuf jours. Un autre reviendra en cinq jours.

La flottille approche des Trois-Rivières après cette défaite. Cette fois, les scalps, ne flottent pas au vent. Les canots s’avancent sur une seule ligne ; le premier annonce le désastre : « … Il criait d’une voix lugubre, à peu près comme ceux qui recommandent les trépassés en France ; il nomma par leur propre nom, tous ceux qui étaient morts ou pris des ennemis »[1]. Et la Relation ajoute encore : « Ils retournèrent hier de leur guerre, non point chantant comme ils firent l’an passé, mais tellement abattus de deuil et de tristesse, qu’ils n’avaient pas le courage de tirer leurs canots hors de l’eau, non plus que leurs femmes qui faisaient retentir le rivage de leurs tristes et lugubres lamentations ». Le récit ne donne ni le chiffre des morts, ni celui des prisonniers, ni même celui des combattants. On ignore l’importance réelle de cette action. Avec nombre de combats du même genre, elle constitue la menue monnaie de cette guerre.

Les fugitifs se croient poursuivis de près. Ils sèment l’alarme dans la tribu, mais aucune attaque ne se produit. Puis ils racontent, fait grave, que durant l’hiver 1636-7, un détachement iroquois de cent cinquante guerriers s’est approché à deux journées de marche du fort des Trois-Rivières. Les Indiens, dans des cas pareils, attachent de petits bâtons à des branches d’arbre ; ceux qui les découvrent déchiffrent cette écriture symbolique.

La défaite incite les Algonquins à commencer la culture du sol à l’abri du poste. La guerre, la maladie, les famines les déciment. La chasse commence à manquer dans un large rayon autour des Français. Les autorités coloniales les encouragent. Cette année même, Noël Brulart de Sillery envoie des ouvriers en Nouvelle-France pour les assister dans l’œuvre lourde du défrichement.

Vers la mi-mai, une nouvelle panique éclate aux Trois-Rivières. Les Algonquins supplient qu’on laisse entrer femmes et enfants dans le poste. Les Français leur répondent que le lendemain même, ils leur

  1. RDJ, 1637-80.