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IROQUOISIE

L’homme néolithique a commencé à disparaître devant l’homme de l’âge de fer, devant même le Français, celui qui le traite avec une sympathie et une bonté infinies. Qui fournira une explication ? En premier lieu, on trouve les maladies des blancs ; en second lieu, l’alcoolisme. Mais ces réponses ne dissipent pas le mystère. Il est probablement des raisons plus difficiles à saisir. L’Indien a commencé à se vêtir de laine et de lin, lui qui n’avait porté que des peaux ; son alimentation s’est modifiée. Il erre entre deux civilisations. L’ombre puissante de l’homme blanc le domine. Et la transition est si brusque d’un mode de vie à l’autre que les corps ne s’adaptent pas assez tôt et succombent.

Algonquins de Tadoussac, des Trois-Rivières, de l’Outaouais ont déjà ressenti les atteintes d’une espèce de caducité maligne qui brise en eux ou affaiblit les ressorts puissants de la vie. Déjà Champlain ne reconnaîtrait plus la race saine et dure qui célébrait ses victoires à Tadoussac. Le poids du destin pèse sur elle.


(1637)

Les Algonquins ont pris leur vengeance en 1636. Mais ils savent que les Iroquois ne leur sont pas inférieurs en rancune. Ils s’attendent à des incursions et les paniques continuent à éclater. Le 26 février, un sorcier s’imagine que les ennemis s’en viennent à l’attaque, qu’ils sont même rendus aux Trois-Rivières. La terreur saisit la tribu ; elle se rassure à peine malgré le voisinage des Français. Le premier mars, une autre alarme se produit. Les Algonquins tremblent de crainte : c’est « la représentation des horribles tourments que leurs ennemis leur font souffrir quand ils les prennent », qui les émeut ainsi jusqu’au fond de leur chair. Ils sont nomades, difficiles à repérer ; mais quand les Iroquois les ont une fois découverts, aucune enceinte de palissades ne les protège.