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  AMOURS  



XLIII.


Tant d’outrageux propos, de courroux & d’orage
Que le Ciel rigoureux dessus moy fait pleuvoir,
Sont autant d’aiguillons qui poignent mon vouloir
Au lieu de l’arrester l’animans d’avantage.

Ma foy, comme un soleil fendant l’obscur nuage
Des broüillars amassez, monstre mieux son pouvoir :
Seulement je me plains que je n’ose plus voir
Ces deux flambeaux divins astres de mon voyage.

Du Ciel en ce seul poinct j’accuse la rigueur :
Tous les autres malheurs ne me font point de peur,
Renforçans mon ardeur plustot que de l’estaindre.

Car quand à vous servir je me suis preparé,
Je n’ay de mon amour aucun fruict esperé :
Si je n’espere rien, rien ne me fera craindre.


XLIIII.


Avoir pour toute guide un desir temeraire,
Et comme les Titans au Ciel vouloir monter,
Sur un mont de pensers l’Esperance planter,
Puis voir tout renverser par Fortune contraire.

Connoistre assez son mal, ne s’en pouvoir distraire,
Chercher obstinément ce qu’on doit eviter,
Se nourrir de douleurs, nuict & jour lamenter,
Et fuyant ses amis croire à son adversaire :

Ourdir pour s’empestrer mille nouveaux liens,
Estre serf d’un Tyran, qui rit du mal des siens,
Et jamais à leur foy trop ingrat ne regarde :

Ce sont les loix qu’Amour de ses traits escrivit
Sur le roc de mon cœur le jour qu’il m’asservit,
Et sans espoir de grace il faut que je les garde.