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L’IMPRIMEUR[1] AU LECTEUR

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SALUT.

Le Temps, glouton devorateur de l’humaine excellence, se rend souventes fois coustumier (tant nous est-il ennemy) de suffoquer la gloire naissante de plusieurs gentilz esprits ou ensevelir d’une ingrate oubliance les œuvres exquises d’iceux ; desquelles si la congnoissance nous estoit permise, ô Dieu tout bon, quel avancement aux bonnes lettres ! De ceste injure les siecles anciens, et noz jours mesmes, nous rendent espreuve plus que suffisante. Et vous ose bien persuader (amy Lecteur) que le semblable fust advenu de ce present volume, duquel demourions privez sans la diligence de quelque vertueux presonnage[2] qui n’ha voulu souffrir ce tort nous estre faict, et la memoire de feu Bonaventure Des Periers, excellent poete[3], rester frustrée du los[4] qu’elle merite. Or, l’ayant arraché de l’avare main de ce faucheur importun, je le vous presente avec telle eloquence que chacun congnoist ses autres labeurs estre jouez[5]. D’une chose je m’asseure, que l’envieux pourra abbayer[6] à l’encontre tant qu’il voudra ; mais

  1. C’est Robert Granjon, célèbre graveur et fondeur en caractères, qui s’était établi imprimeur à Lyon en 1556, après avoir exercé d’abord à Paris depuis 1551. Il mit cette préface en tête de la première édition des Nouvelles Recreations et joyeux Devis, de feu Bonaventure Des Periers, valet de chambre de la Royne de Navarre (Lyon, de l’imp. de Rob. Granjon, 1558, in-4). La Monnoye attribue la rédaction de l’avertissement de l’imprimeur à Antoine Du Moulin, qui avait publié en 1544 les œuvres poétiques de son ami ; mais nous l’attribuerons plutôt à Nicolas Denisot, qui fut le principal éditeur de ce receuil de contes et qui était lié depuis longtemps avec Robert Granjon, car il fit imprimer chez ce typographe, à Paris, en 1551, le Tombeau de madame Marguerite de Valois, Royne de Navarre.
  2. C’est sans doute Nicolas Denisot, dit le comte d’Alsinois, qui eut la plus grande part à la publication de l’ouvrage de Bonaventure Des Periers, quoiqu’on ne doive pas lui faire honneur d’une partie des Joyeux Devis, comme le dit La Croix du Maine. Voyez la notice historique en tête de ce volume.
  3. Les éditions postérieures à celles de 1558 et de 1561 portent : « excellent orateur et poëte. »
  4. Éloge, renommée ; laus.
  5. Il y a douez, dans les éditions suivantes.
  6. Pour : aboyer.