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moindre soupçon de persécution religieuse. Ce n’est pas en tant que Juifs suivant les pratiques mosaïstes qu’ils ont été inquiétés, mais bien comme formant un peuple en contact journalier avec un autre peuple, sans jamais se confondre avec lui, ni même s’en rapprocher, ayant d’autres mœurs, une autre langue, d’autres habits, accaparant tout le petit commerce par son industrie, tout l’argent par son habileté et son économie ; un peuple étranger dans le pays dont il absorbe la substance, formant un État dans l’État, comme les protestants en France avant les édits de Richelieu.

Quant à la religion, il faut savoir que ceux même qui se sont faits les défenseurs de la cause persécutée, qui ont écrit à Paris ces fameuses lettres auxquelles un avocat habile a donné un si grand retentissement, ne sont pas les délégués des quatre cent mille Israélites de Moldavie. Ce sont des dissidents ; c’est l’Église réformée qu’ils représentent. Cette Église comprend à Jassy cinquante familles seulement, toutes composées de gens aisés, banquiers, riches négociants, gens à habits, sans tire-bouchons, mais aussi sans rabbins ; — ayant meublé une jolie petite synagogue, élégante et tapissée, peinte à neuf comme leurs tables de la loi, avec des chanteurs habiles, bien payés, et des jeunes filles couronnées de fleurs : qu’on se figure les chœurs d’Athalie.

Le prince Charles a été satisfait de ce spectacle, mais étonné du petit nombre de fidèles et frappé de l’absence significative du vrai peuple d’Israël, c’est-à-dire des quarante mille Juifs de Jassy. D’ailleurs, cette petite Église est composée exclusivement d’étrangers, qui viennent faire fortune ici pour aller en jouir, c’est-à-dire l’augmenter, ailleurs. Leurs plaintes aussi bien que leur adhésion ne sauraient