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sur la tête de tout propriétaire, grand ou petit. La même cause a rendu les Juifs détenteurs de la plupart des bons ruraux : pour bien l'entendre, il faut savoir ce qu'est la loi rurale que j'ai mentionnée plus haut.

Avant 1864, il y avait deux catégories de paysans ; d'après les anciennes lois, le paysan avait un droit virtuel à une certaine portion de terre correspondant à son travail. C'est-à-dire que cette portion était plus ou moins grande, suivant qu'il offrait de la cultiver avec bœufs ou sans bœufs. Cette culture se faisait, en réalité, au profit du grand propriétaire, à titre de corvée. Armé de ce titre ancien en faveur du paysan, le gouvernement proclama la loi du rachat de la corvée ; ce qui veut dire que le paysan devint propriétaire de la portion de terre qu'il travaillait comme corvéable. Les cultivateurs à bœufs eurent quatre falsches (deux falsches font un peu plus d'un hectare), et les cultivateurs à bras eurent deux falsches et demie, et le travail fut rendu libre; mais le paysan dut payer, en échange à l'État, une somme représentant le rachat par l'amortissement de la corvée. Cette somme est payable en quinze années, et par trimestres, à raison de 10 0/0 par an du prix évalué de la terre. L'État, qui reçoit du paysan, se libère en dix ans vis-à-vis du propriétaire, à l'aide d'obligations représentant le capital foncier, payable annuellement en un tirage au sort jusqu'à extinction de la dette.

Tous les grands propriétaires, qui, à la suite de mauvaises récoltes, hypothèquent leur terre, commencent par vendre à perte leurs bons ruraux, qui ont subi ainsi une dépréciation injuste de 30 à 40 0/0. Qui en a profité? les Juifs, aujourd'hui détenteurs de cette excellente valeur hypothécaire au porteur. Par là, ils se sont constitués