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MM. LECONTE DE LISLE ET ALEXANDRE DUMAS FILS.


2 avril 1887.

L’Académie française revient à la littérature : elle a reçu d’abord un financier, puis un politique ; aujourd’hui elle reçoit un poète. C’est une grande solennité ; les places sont disputées avec fureur, et, comme les pauvres critiques n’en peuvent plus trouver qu’au paradis, ils se contenteront de lire chez eux les discours, ce qui est déjà un joli régal. Mais d’où vient cette concurrence ? Est-ce la poésie toute seule qui attire ainsi les hommes et surtout les femmes ? Non : c’est d’abord la curiosité d’entendre un grand sujet traité par de grands talents ; c’est ensuite le plaisir du contraste, quand on pense aux choses qui doivent se dire, aux hommes qui les diront et à l’édifice où ils vont les dire. Y a-t-il, en effet, quelqu’un de moins académique que Dumas fils, si ce n’est Leconte de Lisle ? Y a-t-il quelqu’un de moins académique que tous deux, si ce n’est Victor Hugo ? Or c’est à l’Académie que les deux premiers vont faire l’éloge du troisième. Cela devient presque amusant : il est dès lors naturel qu’on attende beaucoup et même qu’on s’écrase un peu. Il arrive souvent qu’on se dispute, qu’on se batte et qu’on s’assassine pour moins que cela.