Page:Deschamps - Études françaises et étrangères, 1831, 5e éd.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xlvii —

et qui du moins ne ressemblent pas aux défauts de nos poètes. Il est temps que ses chefs-d’œuvre soient reproduits fidèlement sur notre scène, comme les nôtres le sont sur les scènes étrangères. Toute l’Europe savante et poétique est sous la domination de Shakspeare traduit dans toutes les langues ; il ne lui manque plus que vingt toises carrées, à Paris, au coin de la rue Saint-Honoré et de celle de Richelieu ; elles ne peuvent plus lui manquer long-temps.

Quoi ! dira-t-on encore, faut-il montrer au public français toutes les bouffonneries obscènes et toutes les froides horreurs qui charmaient les Anglais du temps d’Elisabeth !… Non, certes. Ce fut aussi un tribut que le grand homme a payé au mauvais goût de son temps : mais tel est l’art qu’il a mis dans ses monstruosités mêmes, qu’elles peuvent s’enlever toutes, sans rien déranger à l’échafaudage de ses pièces et à la marche de l’action. Cette épuration, commencée par lui-même et continuée depuis en Angleterre, souvent avec peu de goût et de discernement, fait nécessairement partie du travail d’un traducteur français, qui ne doit pas rejeter ou garder tout ce qu’ont gardé ou rejeté les arrangeurs anglais ; mais la traduction n’en sera pas moins littérale, en ce sens, que si elle ne donne pas