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Traité de l’Homme.

nerfs de la machine que ie vous décrits, aux tuyaux des machines de ces fontaines ; ſes muſcles & ſes tendons, aux autres diuers engins & reſſorts qui ſeruent à les mouuoir ; ſes eſprits animaux, à l’eau qui les 5 remuë, dont le cœur eſt la ſource, & les concauitez du cerueau ſont les regars. De plus, la reſpiration, & autres telles actions qui luy ſont naturelles & ordinaires, & qui dependent du cours des eſprits, ſont comme les mouuemens d’vne horloge, ou d’vn 10 moulin, que le cours ordinaire de l’eau peut rendre continus. Les objets exterieurs, qui par leur ſeule preſence agiſſent contre les organes de ſes ſens, & qui par ce moyen la determinent à ſe mouuoir en pluſieurs diuerſes façons, ſelon que les parties de ſon cerueau 15 ſont diſpoſées, ſont comme des Eſtrangers qui, entrans dans quelques-vnes des grottes de ces fontaines, cauſent eux-meſmes ſans y penſer les mouuemens qui s’y font en leur preſence : car ils n’y peuuent entrer qu’en marchant ſur certains quarreaux tellement diſpoſez, 20 que, par exemple, s’ils approchent d’vne Diane qui ſe baigne, ils la feront cacher dans des rozeaux ; & s’ils paſſent plus outre pour la pourſuiure, ils feront venir vers eux vn Neptune qui les menacera de ſon trident ; ou s’ils vont de quelqu’autre coſté, ils en feront ſortir vn 25 monſtre marin qui leur vomira de l’eau contre la face ; ou choſes ſemblables, ſelon le caprice des Ingenieurs qui les ont faites. Et enfin | quand l’ame raiſonnable ſera en cette machine, elle y aura ſon ſiege principal dans le cerueau, & ſera là comme le fontenier, qui doit 30 eſtre dans les regars où ſe vont rendre tous les tuyaux de ces machines, quand il veut exciter, ou empeſ-