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1-2.
Le Monde

part ; & enfin, que ie vous monſtre comment ces deux Natures doiuent eſtre iointes & vnies, pour compoſer des hommes qui nous reſſemblent.

Ie ſuppoſe que ie Corps n’eſt autre chofe qu’vne ſlatuë ou machine de terre, que Dieu forme tout exprés, 5 pour la rendre la plus ſemblable à nous qu’il eſt poſſible : en ſorte que, non ſeulement il luy donne au dehors la couleur & la figure de tous nos membres, mais auſſi qu’il met au dedans toutes les pieces qui ſont re|quiſes pour faire quelle marche, quelle mange, 10 qu’elle reſpire, & enfin qu’elle imite toutes celles de nos fonctions qui peuuent eſtre imaginées proceder de la matiere, & ne dependre que de la diſpoſition des organes.

Nous voyons des horloges, des fontaines artificielles 15, des moulins, & autres ſemblables machines, qui n’eſtant faites que par des hommes, ne laiſſent pas d’auoir la force de ſe mouuoir d’elles-meſmes en pluſieurs diuerſes façons ; & il me ſemble que ie ne ſçaurois imaginer tant de ſortes de mouuemens 20 en celle-cy, que ie ſuppoſe eſtre faite des mains de Dieu, ny luy attribuer tant d’artifice, que vous n’ayez ſujet de penſer, qu’il y en peut auoir encore dauantage.

Or ie ne m’arreſteray pas à vous décrire les os, les 25 nerfs, les muſcles, les venes, les ancres, l’eſtomac, le ſoye, la rate, le cœur, le cerueau, ny toutes les autres diuerſes pieces dont elle doit eſtre compoſée ; car ie les ſuppoſe du tout ſemblables aux parties de noſtre Corps qui ont les meſmes noms, & que vous pouuez 30 vous faire monſtrer par quelque ſçauant Anatomiſte,