Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/556

Cette page n’a pas encore été corrigée

542 Correspondance.

» suffisant pour son repos; elle étoit obligée, principalement l'été, de dor- » mir pendant une heure après dîné. Pour le têms qu'elle donnoit à s'ha- » biller, il n'entroit point en compte dans la distribution de sa journée. » En un quart d'heure elle étoit vétuë, et hors les occasions des grandes » solemnitez le peigne seul et un bout de ruban faisoit toute sa coëffure. » Ses cheveux ainsi négligez n'accompagnoient pas mal son visage, dont » elle avoit si peu de soin, que ny au vent, ny à la pluye, ny dans la ville, » ny à la campagne, on ne luy voyoit jamais de coé'ffe, ny de masque. » Elle ne portoit à cheval, pour toutes défenses contre les injures de l'air, » qu'un chapeau avec des plumes, sous lesquelles il ne restoit presque » aucune apparence de son sexe, lors qu'elle étoit couverte d'une hongre- » line avec un petit collet comme les hommes. Ce mépris du soin de sa » personne étoit un peu excessif, et il passoit quelquefois jusqu'à la né- » gligence de sa propre satire, qui en auroit pu souffrir, si elle n'avoit été » forte et vigoureuse. »

« Mais toutes choses ne luy étoient rien auprès de cet amour ardent et » continuel qu'elle avoit pour l'honneur et la vertu. C'étoit où tendoient » toutes ses pensées. Son ambition étoit plus attachée au désir d'accroître » son propre mérite par son travail, qu'à étendre plus avant ses con- » quêtes en Allemagne par la valeur de ses sujets. C'est ce qui la rendit » depuis plus facile que ses Ministres n'auroient peut-être souhaité aux » conditions de la paix de Munster, quoique d'ailleurs elle fût assez » portée à profiter de tous les avantages que le têms pourroit luy produire » pour l'accroissement de sa couronne, sçachant qu'il est du devoir, de la » sûreté, et de la gloire des Princes, de rendre leur Etat puissant et leurs « sujets heureux. » (Baillet, Vie de Mous. Des-Cartes, II, 3o3-3o8.)

La Thuillerie, lorsqu'il parlait de la reine Christine à Descartes, lui avait-il aussi conté cette anecdote ?

« J'ay ouy dire à feu M. de Saumaise, qui avoit esté enseigne des » gardes de la Reyne Christine de Suéde, que, pendant que M. de la -» Tuillerie estoit ambassadeur de France auprès d'elle, elle faisoit ap- » prendre à chanter à ses demoiselles suédoises les plus dissolues chan- r sons qui se chantassent en France, et quand elle estoit en ses humeurs. » gaies, elle disoit à M r de la Tuillerie : « M. l'ambassadeur, je vous veux

  • faire entendre la musique de mes filles » ; et le menant dans son cabi-

» net, elle faisoit chanter ces chansons là par ses filles, lesquelles n'enten- » dants pas le françois, les chantoient d'aussy bone foy que si c'eust esté » quelques chansons bien sérieuses. » (Philibert de la Mare, Mélanges historiques et littéraires, Bibl. de Dijon, MS. 493, vol. I, p. 66.)

�� �