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488 Correspondance. i, s».

ou alliez, & les ennemis. Car, au regard de ces der- niers, on a quafi permiffion de tout faire, pouruû qu'on en tire quelque auantage pour foy ou pour fes fuiets; &. ie ne defaprouue pas, en cette occafion, qu'on acouple le renard auec le lion, & qu'on ioigne l'arti- 5 fice à la force*. Mefme ie comprens, fous le nom d'ennemis, tous ceux qui ne font point amis ou alliez, pource qu'on a droit de leur faire la guerre, quand on y trouue fon auantage, & que, commençans àdeuenir fufpe&s & redoutables, on a lieu de s'en défier. Mais 10 i'excepte vne efpece de tromperie, qui eft û directe- ment contraire à la focieté, que ie ne croy pas qu'il foit iamais permis de s'en feruir, bien que noftre Au- teur l'aprouue en diuers endroits, & qu'elle ne foit que trop en pratique: c'eft de feindre d'eftre amy de «5 ceux qu'on veut perdre, afin de les pouuoir mieux furprendre. L'amitié eft vne chofe trop fainte pour en abufer de la forte; & celuy qui aura pu feindre d'aimer quelqu'vn,pour le trahir, mérite que ceux qu'il voudra par après aimer véritablement, n'en croyent rien & le 10 haïfient.

Pour ce qui regarde les alliez, vn Prince leur doit tenir exa&ement fa parole, mefme lors que cela luy eft preiudiciable; car il ne le fçauroit eftre tant, que la réputation de ne manquer point à faire ce qu'il a 2 5 promis, luy eft vtile,&il ne peut acquérir cette répu- tation que par de telles occafions, où il y va pour luy de quelque perte ; mais en celles qui le ruineroient tout à fait, le droit des gens le difpenfe de fa promefle. Il doit aufli vfer de beaucoup de circonfpeétion, auant îo que de promettre, afin de pouuoir toufiours garder fa

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