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t, 42-43. CDXIX. — Janvier 1646. 555

vie, on prend le bien pour tout ce qui s'y trouue dont on peut auoir quelque commodité, & on ne nomme mal que ce dont on peut receuoir de l'incommodité; car pour les autres défauts qui peuuent y eftre, on ne

5 les compte point. Ainfi., lors qu'on offre vn employa quelqu'vn, il confidere d'vn coflé l'honneur & le pro- fit qu'il en peut attendre, comme des biens, & de l'autre la peine, le péril, la perte du temps, & autres telles chofes, comme des maux; et comparant ces

10 maux auec ces biens, félon qu'il trouue ceux-cy plus ou moins grands que ceux-là, il l'accepte ou le refufe. Or ce qui m'a fait dire, en ce dernier fens, qu'il y a toufiours plus de biens que de maux en cette vie, c'eft le peu d'état que ie croy que nous deuons faire

i5 de toutes les chofes qui font hors de nous, & qui ne dépendent point de noftre libre arbitre, à comparai- fon de celles qui en dépendent, lefquelles nous pou- uons toufiours rendre bonnes, lors que nous en fça- uons bien vfer ; & nous pouuons empefcher, par leur

20 moyen, que tous les maux qui viennent d'ailleurs, tant grands qu'ils puiûént eftre, n'entrent plus auant en noftre ame que la trifteflé que y excitent les Co- médiens, quand ils reprefentent deuant nous quelques adions fort funeftes ; mais i'auoùe qu'il faut eftre fort

25 philofophe, pour arriuer iufqu'à ce point. Et toutes- fois ie croy aufli que mefme ceux là qui fe laiffent le plus emporter à leurs parlions, iugent toufiours, en leur intérieur, qu'il y a plus de biens que de maux en cette vie, encore qu'ils ne s'en aperçoiuent pas eux-

3o mefmes ; car bien qu'ils appellent quelquefois la mort à leur fecours, quand ils fentent de grandes douleurs,

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