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1,34-aS- CDIII. — 15 Septembre 1645. 29}

l'immortalité de nos âmes & la grandeur de l'vni- uers, il y a encore vne vérité dont la connoiflance me femble fort vtile : qui eft que, bien que chafcun de nous foit vne perfonne feparée des autres, & dont, par 5 confequent, les intérêts font en quelque façon diftincr.s de ceux du refte du monde, on doit toutefois penfer qu'on ne fçauroit fubfifter feul, & qu'on eft, en efFed, l'vne des parties de l'vniuers, & plus particulièrement encore l'vne des parties de cete terre, l'vne des parties

10 de cet Eftat, de cete focieté, de cete famille, a laquelle on eft ioint par fa demeure, par fon ferment, par fa naiffance. Et il faut toufiours préférer les intérêts du tout, dont on eft partie, a ceux de fa perfonne en par- ticulier; toutefois auec mefure & difcretion, car on

i5 auroit tort de s'expofer a vn grand mal, pour procurer feulement vn petit bien a fes parens ou a fon pais ; & fi vn homme vaut plus, luy feul, que tout le refte de fa ville, il n'auroit pas raifon de fe vouloir perdre pour la fauuer. Mais fi on raportoit tout a foy mefme, on

20 ne craindroit pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorfqu'on croiroit en retirer quelque petite commodité, & on n'auroit aucune vraye amitié, ny aucune fidélité, ny généralement aucune vertu; au lieu qu'en fe confiderant comme vne partie du public,

25 on prend plaifir a faire du bien a tout le monde, &

mefme on ne craint pas d'expofer fa vie pour le fer-

uice d'autruy, lorfque l'occafion s'en prefente; voyre

on voudroit perdre fon ame, s'il fe pouuoit, pour

fauuer les autres. En forte que cete confideration eft

îo la fource & l'origine de toutes les plus heroiques ac-

27 voyre] iufques | là qu . — 28 après voudroit] auflî ajouté.

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