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1,20-21. CDI. — I er Septembre 164$. 285

defleins & les empefche de reùflir, nous aurons au moins la fatisfacrion de n'auoir rien perdu par noftre faute, & ne lairrons pas de iouir de toute la béatitude naturelle dont lacquifition aura efté en noftre pouuoir. 5 Ainfy, par exemple, la cholere peut quelquefois exciter en nous des defirs de vengeance fi violens qu'elle nous fera imaginer plus de plaifir a chaftier noftre ennemi, qu'a conferuer noftre honneur ou noftre vie, & nous fera expofer imprudemment l'vn

10 & l'autre pour ce fuiet. Au lieu que, fi la raifon exa- mine quel eft le bien ou la perfedion fur laquelle eft fondé ce plaifir, qu'on tire de la vengeance, elle n'en trouuera aucune autre (au moins quand cete ven- geance ne fert point pour empefcher qu'on | ne nous

i5 offence derechef), finon que cela nous fait imaginer que nous auons quelque forte de fuperiorité & quel- que auantage au derïus de celuy dont nous nous ven- geons. Ce qui n'eft fouuent qu'vne vaine imagination, qui ne mérite point d'eftre eftimée a comparaifon de

20 l'honneur ou de la vie, ny mefme a comparaifon de la fatisfa<EUon qu'on auroit de fe voir maiftre de fa cholere, en s'abftenant de fe vanger.

Et le femblable arriue en toutes les autres partions ; car il n'y en a aucune qui ne nous reprefente le bien

25 auquel elle tend, auec plus d'efclat qu'il n'en mérite, & qui ne nous face imaginer des plaifirs beaucoup plus grands, auant que nous les pofledions, que nous ne les trouuons par après, quand nous les auons. Ce qui fait qu'on blafme communément la volupté, pour

3o ce qu'on ne fe fert de ce mot que pour fignifier des 3o des] de faux.

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