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i, 7 6-77 CCCXXXVI. — Juin 1645. i)j

l'émotion qui arriue dans le fang en telles rencontres, on peut commencer à fe remettre l'efprit, & le rendre tranquile; ce qui fe fait en s'étudiant à conûderer tous les auantages qu'on peut tirer de la chofe qu'on auoit 5 prife le iour précèdent pour vn grand mal-heur, & à détourner fon attention des maux qu'on y auoit ima- ginez. Car il n'y a point d'éuenemens fi funeftes, [ny fi abfolument mauuais au iugement du peuple, qu'vne perfonne d'efprit ne les puiffe regarder de quelque

10 biais qui fera qu'ils luy paroiftront fauorables. Et voftre Alteffe peut tirer cette confolation générale des difgraces de la fortune, qu'elles ont peut-eflre beau- coup contribué à luy faire cultiuer fon efprit au point qu'elle a fait; c'eft vn bien qu'elle doit eftimer plus

i5 qu'vn Empire. Les grandes profperitez éblouïffent & enyurent fouuent de telle forte, qu'elles poffedent plutoft ceux qui les ont, qu'elles ne font poffedées par eux; et bien que cela n'arriue pas aux efprits de la trempe du voftre, elles leur fourniffent toufiours

20 moins d'ocafions de s'exercer, que ne font les aduer- fitez. Et ie croy que, comme il n'y a aucun bien au monde, excepté le bon fens, qu'on puiffe abfolument nommer bien, il n'y a aufîi aucun mal, dont on ne puifle tirer quelque auantage, ayant le bon fens.

25 I'ay tafché cy-deuant de perfuader la nonchalance à voftre Alteffe 8 , penfant que les ocupations trop fe- rieufes affoibliffent le cors, en fatiguant l'efprit; mais ie ne luy voudrois pas pour cela diffuader les foins qui font neceffaires pour détourner fa penfée des obiets

3o qui la peuuent attrifter; & ie ne doute point que les

a. Voir ci-avant, p. 220, 1. 10.

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