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fait, et qu'il tombait entre mes mains, il traite des matières fi dangereufes & que i'eftime fi fauffes, fi le rapport qu'on vous en a fait eft véritable, que ie me fentirois peut-eftre obligé d'y refpondre fur le cham.

5 Mais ie ne laifferay pas de toucher en ma Phyfique plufieurs queftions metaphyfiques, & particulieremant celle-cy : Que les vérités mathématiques, lefquelles vous nommés éternelles, ont elle eftablies de Dieu & en dépendent entieremant, auffy bien que tout le relie

10 des créatures. C'eft en effait parler de Dieu comme d'vn Iuppiter ou Saturne, & l'afluiettir au Stix & aus deftinees, que de dire que ces vérités font indépen- dantes de luy. Ne craignes point, ie vous prie, d'affu- rer & de publier par tout, que c'eft Dieu qui a eftabli

i5 ces lois en la nature, ainfy qu'vn Roy eftablift des lois en fon Royaufme. Or il n'y en a aucune en particulier que nous ne puiflions comprendre fi noftre efprit fe porte a la confyderer, & elles font toutes men\tibus nof- tris ingenitœ, ainfy qu'vn Roy imprimeroit fes lois dans

20 le cœur de tous fes fugets, s'il en auoit auffy bien le pouuoir. Au contraire nous ne pouuons comprendre la grandeur de Dieu, encore que nous la connoiffions. Mais cela mefme que nous la iugeons incomprehen- fible nous la fait eftimer dauantage ; ainfy qu'vn Roy

25 a plus de maiefté lors qu'il eft moins familieremant connu de fes fugets, pourueu toutefois qu'ils ne pen- fent pas pour cela eftre fans Roy, & qu'ils le con- noiffent affés pour n'en point douter. On vous dira que fi Dieu auoit eftabli ces vérités, il les pourroit

3o changer comme vn Roy fait fes lois ; a quoy il faut 1 1 ou d'vn Saturne. — 27 pour cela omis,

CORRESPONDANCE! I. 19

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