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On souriait de voir, empressé comme un page,
Un enfant si soumis, si diligent, si sage ;
Et je disais en moi, triste comme aujourd’hui :
« Jamais je ne pourrai m’en revenir sans lui ! »

Nous qui portons les fruits sur la terre où nous sommes,
Si fortes pour aimer, nous, faibles sœurs des hommes,
Ô mères, pourquoi donc les mettons-nous au jour,
Ces tendres fruits volés à notre ardent amour ?
À peine ils sont à nous qu’on veut nous les reprendre.
Ô mères, savez-vous ce qu’on va leur apprendre ?
À trembler sous un maître, à n’oser, par devoir,
Qu’une fois tous les ans demander à nous voir ;
À détourner de nous leurs mémoires légères.
Alors que sauront-ils ? Les langues étrangères,
Les vains soulèvements des peuples malheureux,
Et les fléaux humains toujours armés contre eux.
C’est donc beau ? Mais le temps saurait les en instruire.
Candeur de mon enfant, on va bien vous détruire !
Quand je le reverrai, mon fils sera savant ;
Il parlera latin ! Hélas, mon pauvre enfant,
Moi, je n’oserai plus peigner ta tête blonde.
Tu parleras latin ! Ta science profonde
Ne pouvant avec moi suivre un long entretien,
Tu diras tout surpris : « Ma mère ne sait rien ! »