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Air natal ! aliment de saveur sans seconde,
Qui nourris tes enfants et les baise à la ronde ;
Air natal imprégné des souffles de nos champs,
Qui fais les cœurs pareils et pareils les penchants !

Et la longue innocence, et le joyeux sourire
Des nôtres, qui n’ont pas de plus beau livre à lire
Que leur visage ouvert et leurs grands yeux d’azur,
Et leur timbre profond d’où sort l’entretien sûr !…

Depuis que j’ai quitté tes haleines bénies,
Tes familles aux mains facilement unies,
Je ne sais quoi d’amer à mon pain s’est mêlé,
Et partout sur mon jour une larme a tremblé.

Et je n’ai plus osé vivre à poitrine pleine
Ni respirer tout l’air qu’il faut à mon haleine.
On eût dit qu’un témoin s’y serait opposé…
Vivre pour vivre, oh non ! je ne l’ai plus osé !

Non, le cher souvenir n’est qu’un cri de souffrance !
Viens donc, toi, dont le cours peut traverser la France ;
À ta molle clarté je livrerai mon front,
Et dans tes flots du moins mes larmes se perdront.