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n’était pas, me causaient de l’épouvante ; et je me serrais contre les vêtements de ma mère comme dans mon seul asile.

« Arrivée en Amérique, elle trouva sa cousine veuve, chassée par les nègres de son habitation, la colonie révoltée, la fièvre jaune dans toute son horreur. Elle ne supporta pas ce coup. Son réveil ce fut de mourir à quarante-et-un ans ! Moi, j’expirais auprès d’elle ; on m’emmena en deuil de cette île dépeuplée à demi par la mort, et, de vaisseau en vaisseau, je fus rapportée au milieu de mes parents devenus tout à fait pauvres. »

Pour les faire sortir de cette misère profonde, Marceline entra au théâtre et débuta à Douai, le 21 novembre 1802. Puis, accompagnée de ses deux sœurs, elle partit pour Lille et passa successivement aux théâtres de Rouen, Paris et Bruxelles, dans lesquels elle remporta de grands succès comme chanteuse.

« À vingt ans, dit-elle, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion.

« Je fus forcé de les écrire pour me délivrer de ce frappement fièvreux, et l’on me dit que c’était une élégie. »