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Mais obtiens qu’il me trompe à son tour comme toi.
Va le lui demander, va l’implorer… Demeure :
L’orgueil est entre nous, il glace, il est mortel.
N’est-ce pas qu’il me fuit, et qu’il faut que je meure ?
N’est-ce pas que je souffre, et que l’homme est cruel ?
Ne l’accuse jamais. Songe que je l’adore,
Puisque je vis encore :
Avant qu’à le trahir j’accoutume ma voix,
Ma sœur, j’aurai parlé pour la dernière fois.
Tout change, il a changé ; d’où vient que j’en murmure ?
Pourquoi ces pleurs amers dont mon cœur est baigné ?
Que l’amour a de pleurs quand il est dédaigné !
Tout change, il a changé. C’est là sa seule injure ;
Et s’il fuit un bonheur qui n’a pu le toucher,
Ce n’est pas à l’amour à le lui reprocher.
Tes yeux seuls pleins de moi, s’il daigne un jour y lire,
Lui diront mes adieux que je n’osai lui dire ;
Ton nom, comme un écho, lui parlera de moi ;
Qu’il soit ton seul reproche en ta douleur modeste ;
Ah ! je l’en défendrais contre tous… contre toi,
Du peu de force qui me reste.
Imite mon silence ; un stérile remords
Ne ralluma jamais une flamme épuisée ;
En oubliant qu’il l’a causée,
Dans son étonnement il pleurera ma mort.

Ma sœur, j’ai vu la mort à la triste lumière
Qui passa tout à coup dans le fond de mon cœur,
Un soir qu’il m’observait, roulant sous sa paupière
Je ne sais quoi d’amer, de sombre et de moqueur.
Oh ! que l’âme est troublée à l’adieu d’un prestige !
L’épi touché du vent tremble moins sur sa tige,