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IDYLLES.

L’ABSENCE

L’avez-vous rencontré ? guidez-moi, je vous prie.
Il est jeune, il est triste, il est beau comme vous,
Bel enfant ; et sa voix, par un charme attendrie,
De la voix qui l’accueille est l’écho le plus doux.
Oh ! rappelez-vous bien ! sa démarche pensive
Fait qu’on le suit longtemps et du cœur et des yeux.
Il vous aura souri. De l’enfance naïve,
Naïf encore, il aime à contempler les jeux.

Écoute ! ses regards distraits, chargés d’alarmes,
Effleuraient tes doux jeux, peut-être sans les voir.
Plains-moi, car c’est pour moi qu’il dévorait ces larmes,
Et de m’en consoler il a seul le pouvoir.
Guide-moi, réponds-moi !… Mais tu ne peux m’entendre
Guide-mTu demandes son nom.
Ah ! s’il t’avait parlé, m’aurais-tu fait attendre ?
L’aurais-tu méconnu dans ma prière ? Oh ! non.
Va jouer, bel enfant, va rire avec la vie,
Car ton âge est sa fête, et déjà je l’envie.
Va ! mais, si ton bonheur te l’amène aujourd’hui,
Souviens-toi que je pleure, et ne le dis qu’à lui.
Comme la route au loin se prolonge isolée !
Eh ! pour qui ces jardins, ce soleil, ces ruisseaux ?
Je suis seule, et là-bas, sous de noirs aibrisseaux,
La moitié de mon âme est errante et voilée.
Mes suppliantes mains voudraient la retenir ;
J’ai cru respirer l’air qui va nous réunir !