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poésies

Notre-Dame[1] ! aujourd’hui belle, retentissante,
Triste alors, quel secret m’avez-vous dit tout bas ?
Et quand mon timbre pur remplaçait l’orgue absente,
Pour répondre à l’écho de la nef gémissante,
Mon frêle et doux Ave, ne l’écoutiez-vous pas ?

Et ne jamais revoir ce mur où la lumière
Dessinait Dieu visible à ma jeune raison !
Ne plus mettre à ses pieds mon pain bis, ma prière !
Ne plus suivre mon ombre au bord de la rivière
Jusqu’au chaume enlierré que j’appelais maison !

Ni le puits solitaire, urne sourde et profonde,
Crédule, où j’allais voir descendre le soleil ;
Qui faisait aux enfants un miroir de son onde :
Elle est tarie… Hélas ! tout se tarit au monde ;
Hélas ! la vie et l’onde ont un destin pareil !

Ne plus passer devant l’école bourdonnante,
Cage en fleurs où couvaient, où fermentaient nos jours ;
Où j’entendis, captive, une voix résonnante
Et chère à ma prison m’enlever frissonnante :
Voix de mon père, ô voix ! m’appelez-vous toujours ?

Où libre je pâlis de tendresse éperdue ;
Où je crus voir le ciel descendre, et l’humble lieu
S’ouvrir ! Mon père au loin m’avait donc entendue ?
Fière, en tenant sa main, je traversai la rue :
Il la remplissait toute ; il ressemblait à Dieu !

  1. Une église de Douai, abandonnée pendant la révolution.