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IDYLLES.

Doucement, doucement il m’appela deux fois.
J’allais crier, j’étais tremblante ;
Je sentis sur ma bouche une rose brûlante,
Et la frayeur m’ôta la voix.
Depuis ce temps, ne grondez pas, ma mère,
Daphnis, qui chaque soir passait avec son père,
Daphnis me suit partout, pensif et curieux.
Ô ma mère ! il a vu mon rêve dans mes yeux !




LA JOURNÉE PERDUE


Me voici… je respire à peine !
Une feuille m’intimidait ;
Le bruit du ruisseau m’alarmait ;
Je te vois !… je n’ai plus d’haleine !
Attends… je croyais aujourd’hui
Ne pouvoir respirer auprès de ce que j’aime.
Je me sentais mourir, en ce tourment extrême,
De ta peine et de mon ennui.

Quoi ! je cherche ta main, et tu n’oses sourire ?
Ton regard me pénètre et semble m’accuser ?
Je te pardonne, ingrat, tout ce qu’il semble dire ;
Mais laisse-moi du moins le temps de m’excuser.

J’ai vu mes moissonneurs réunis sous l’ombrage ;
Ils chantaient ; mais pas un ne dit bien ta chanson.
Ma mère, lasse enfin de veiller la moisson,
Dormait. Je voyais tout, les yeux sur mon ouvrage.