Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1820.pdf/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(60)

L’obliger à la fuite, et reprendre l’essor.
C’est elle, ô ma première amie,
Dont la chaîne s’étend pour nous unir toujours.
Elle embellit par toi l’aurore de ma vie,
Elle en doit embellir encor les derniers jours.
Oh ! que son empire est aimable !
Qu’il répand un charme ineffable
Sur la jeunesse et l’avenir,
Ce doux reflet du souvenir !
Ce rêve pur de notre enfance
En a prolongé l’innocence ;
L’Amour, le temps, l’absence, le malheur,
Semblent le respecter dans le fond de mon cœur ;
Il traverse avec nous la saison des orages,
Comme un rayon du ciel qui nous guide et nous luit ;
C’est, ma chère, un jour sans nuages,
Qui prépare une douce nuit.

L’autre Amitié, plus grave, plus austère,
Se donne avec lenteur, choisit avec mystère ;
Elle observe en silence, et craint de s’avancer ;
Elle écarte les fleurs, de peur de s’y blesser ;
Choisissant la Raison pour conseil et pour guide,
Elle voit par ses yeux, et marche sur ses pas ;
Son abord est craintif, son regard est timide ;
Elle attend, et ne prévient pas.