Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1820.pdf/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(45)

Et je te vois, d’hommages entourée,
Sensible aux maux de l’amitié,
Ne pouvant les guérir, en prendre la moitié.
Laisse ta compagne plaintive,
Sans espérance et sans bonheur,
Au fond d’un bois, seule et pensive,
Exhaler sa vaine douleur !
Quelques feuilles bientôt y couvriront ma tombe ;
Sans le haïr, je fuis le monde ;
En le fuyant, j’obéis à sa loi.
Ô ma Fauvette, il fut trop cruel envers moi !
J’ai tout perdu : la solitude
Me promet un triste repos ;
Ta compagne blessée y cachera ses maux,
Et du chant des regrets reprendra l’habitude.

Ce monde indifférent n’aura pas mes adieux ;
C’est à toi seule, à toi de les entendre ;
Il rit des plaintes d’un cœur tendre,
Et repousse les malheureux ;
Pour le charmer, conserve ton ramage.
Plus heureuse que moi, Fauvette, sois plus sage !
Maîtresse de ton sort, et libre de choisir,
Sous un ciel toujours pur va chercher un asile ;
Le froid climat où l’on m’exile
Serait pour toi le tombeau du Plaisir.