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À ma langueur secrète ajoutaient leur poison.
Sans but et sans espoir suivant ma rêverie,
Je portais au hasard un pas timide et lent…
L’Amour m’enveloppa de ton ombre chérie,
Et, malgré la saison, l’air me parut brûlant !

Je voulais, mais en vain, par un effort suprême,
En me sauvant de toi, me sauver de moi-même !
Mon œil, voilé de pleurs, à la terre attaché,
Par un charme invincible en fut comme arraché :
À travers les brouillards une image légère
Fit palpiter mon sein de tendresse et d’effroi…
Le soleil reparaît, l’environne, l’éclaire,
Il entr’ouvre les cieux !… Tu parus devant moi !
Je n’osai te parler ; interdite, rêveuse,
Enchaînée et soumise à ce trouble enchanteur,
Je n’osai te parler… Pourtant j’étais heureuse,
Je devinai l’amour, et j’entendis mon cœur !
Mais quand ta main pressa ma main tremblante,
Quand un frisson léger fit tressaillir mon corps,
Quand mon front se couvrit d’une rougeur brûlante,
Dieu !… qu’est-ce donc que je sentis alors ?…
J’oubliai de te fuir, j’oubliai de te craindre,
Pour la première fois ta bouche osa se plaindre,
Ma douleur à la tienne osa se révéler,
Et mon âme vers toi fut prête à s’exhaler !…