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« C’est un vieux oiseleur qui menace toujours ;
Tout tombe dans ses rets, ma fille, et les beaux jours
S’éteignent sous ses doigts comme un souffle éphémère. »

Je demeurai pensive et triste sur son sein ;
Depuis j’allai m’asseoir aux tombes délaissées ;
Leur tranquille silence éveillait mes pensées ;
Y cueillir une fleur me semblait un larcin.
L’aquilon m’effrayait de ses soupirs funèbres ;
La voix, toujours la voix m’annonçait le Malheur ;
Et quand je l’entendais passer dans les ténèbres,
Je disais : C’est la Mort ou le vieux oiseleur.

Mais tout change : l’autan fait place aux vents propices,
La nuit fait place au jour :
La verdure, au printemps, couvre les précipices ;
Et l’hiver cède un trône au printemps de retour :
Je revis le berceau, le soleil et les roses.
Ruisseau, tu m’appelais, je m’élançai vers toi ;
Je l’appelle, à mon tour, clair ruisseau qui l’arroses ;
J’écoute, réponds-moi !

Qu’a-t-on fait du bocage où rêva mon enfance ?
Oh ! je le vois toujours ! j’y voudrais être encor !
Au milieu des parfums j’y dormais sans défense,
Et le soleil sur lui versait des rayons d’or.


FIN.