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Il errait comme une ombre, il attristait ma joie
Sous les traits d’un vieux oiseleur.
Et le vieux oiseleur, patiemment avide,
Aux pièges, avant l’aube, attendait les oiseaux ;
Et, le soir, il comptait, avec un ris perfide,
Ses petits prisonniers tremblans sous les réseaux.
Est-il toujours bien cruel, bien barbare,
Bien sourd à la prière ? et, dans sa main avare,
Plutôt que de l’ouvrir,
Presse-t-il sa victime à la faire mourir ?
Ah ! du moins, comme alors, puisse une jeune fille
Courir, en frappant l’air d’une tendre clameur !
Renvoyer jusqu’aux cieux la chantante famille,
Et tromper le méchant, qui faisait le dormeur !
Dieu ! quand on le trompait, quelle était sa colère !
Il fallait fuir ; des pleurs ne lui suffisaient pas ;
Ou, d’une pitié feinte exigeant le salaire,
Il pardonnait tout haut, et maudissait tout bas.
Au pied d’un vieux rempart, une antique chaumière
Lui servait de réduit ;
Il allait s’y cacher tout seul et sans lumière, :
Comme l’oiseau de nuit.
Un soir, en traversant l’église abandonnée,
Sa voix nomma la Mort ; que sa voix me fit peur !
Je m’envolai tremblante au seuil où j’étais née,
Et j’entendis l’Écho rire avec le trompeur…
« Dis, qu’est-ce que la Mort ? » demandai-je à ma mère :